LA DIARRHÉE DU VEAU A LA MAMELLE
A/
Diarrhée du veau à rotavirus (Rotavirose)
par : Pr. B.MAMACHE
Généralités
Les
rotaviroses sont extrêmement fréquentes chez les veaux (nouveau-nés).
Ces
affections sont généralement bénignes mais la possibilité d’une infection mixte
virus/virus ou virus/bactéries
(Escherichia coli) peut aboutir à des syndromes graves pouvant aboutir à
la mort de l’animal.
Le
rotavirus désigne un groupe de virus isolé chez un grand nombre d’espèces
animales ainsi que l’homme ; tous ces virus sont responsables de troubles
entériques.
Les
rotavirus sont des agents de la famille des Réoviridae dont ils
constituent l’un des genres, les autres genres sont représentés par le réovirus
et l’abivirus. Du fait de sa ressemblance aux réovirus Mebus lui
donna initialement le nom de “réolike”.
Les
anglo-saxons l’appellent N.C.D.V. (Neonatal Calf Diarrheoa Virus) et N.C.D.R.
(Neonatal Calf Diarrheoa Reolike).
EPIDEMIOLOGIE : (Pouvoir pathogène)
Le
rotavirus provoque un syndrome diarrhéique chez les jeunes à l’âge
d’allaitement. Chez les veaux âgés de moins de 20 jours, le virus est trouvé
associé à 50 – 80% des cas des diarrhées ; le pic d’incidence se situant
aux alentours du 6ème jour après la naissance.
La
maladie peut aussi apparaître chez l’adulte. Cependant, elle n’entraine en
général aucun symptôme sauf une légère diminution de la production laitière.
Un
veau inoculé entre 2 jours et 5 semaines présentera en 24 à 96 heures une
diarrhée mucoïde ou liquide avec hypersécrétion des cellules intestinales et
une dégénérescence des cellules épithéliales absorptives. Il y a un véritable
viol des cellules intestinales qui mettent 4 jours pour régénérer.
La
diarrhée apparaît à n’importe quelle période de l’année et quand le taux
d’anticorps dans le colostrum chute.
L’environnement
influe sur la résistance des jeunes et des adultes et sur les possibilités de
contagion. En général, lorsque la température et l’humidité sont correctes, la
maladie est éphémère et modérée.
On
a remarqué aussi que le regroupement des vaches au moment du vêlage augmentait
le risque de contamination.
Les
sources du virus sont représentées par les animaux malades et les porteurs
sains (100% des adultes se montrent séropositifs) et excrètent des quantités
massives de virus dans leur selles, qui peuvent souiller les locaux d’élevage,
l’eau et les aliments qui vont jouer un rôle important dans la contagion
indirecte, alors que la contagion directe s’effectue par contact étroit à l’étable
comme au pâturage.
La
transmission se fait essentiellement par aérosols virulents et qui ne sont en
fait que des inoculations cachées.
PATHOGENIE
Le
rotavirus est très résistant dans le milieu extérieur, pénètre chez l’animal
par voie orale et migre vers l’intestin ou se trouvent les cellules
épithéliales de la portion absorbante des villosités du duodénum puis il
progresse vers le jéjunum et l’iléon, tandis que les cellules des cryptes
restent intactes. Ainsi, le rapport villosités – cryptes diminue.
L’infection
virale altère les capacités fonctionnelles des cellules dont la desquamation
s’accélère. Celle-ci à pour conséquence un raccourcissement des villosités et
une prolifération des cellules des cryptes puis il y a une réparation des
villosités qui se traduit par un remplacement rapide des entérocytes par des
cellules cubiques immatures provenant des cryptes réfractaires à l’infection
virale mais sont infonctionnelles car malgré la cicatrisation de l’intestin la
diarrhée persiste.
On
peut dire que la diarrhée est due à son commencement à : une infection
continue de l’intestin, un remplacement des entérocytes lysées par un
épithélium immature et une réduction de la surface d’absorption.
On
pense que l’infection virale inhibe le système de transfert des liquides. Il y
a accumulation des disaccharides par diminution de l’activité lactasique.
Celle-ci intervient en partie comme récepteur viral et enzyme de décapsidation,
à coté des disaccharides on trouve également des composés fermentescibles ayant
pour conséquence une augmentation de la pression osmotique intestinale ce qui
entraîne une inversion du flux liquide et une perte abondante d’eau et
d’électrolytes dont les principaux Na+, Cl- et aussi HCO3-
et K+. Une acidose résulte de la perte combinée de HCO3-
et de l’inappétence, ensuite il y a diminution de la circulation périphérique,
un accroissement de la production d’acide lactique et une défaillance rénale.
La
présence d’une quantité accrue de nutriments dans l’intestin grêle et la
diminution de la mobilité intestinale constituent un milieu favorable à la
prolifération bactérienne. Ceci peut entraîner une septicémie et à un degré
moindre une inhibition de la restauration de l’épithélium normal.
SYMPTOMES
La
maladie atteint les veaux âgés de moins de 7 semaines ; en général, à
l’âge de 7 jours.
La
période d’incubation est relativement courte et variable, elle est comprise
entre 14 et 22 heures chez les animaux exposés à l’infection naturelle. Alors
que chez les animaux inoculés elle va de 12 à 13 heures.
Pendant
les 4 heures précédant l’apparition de la diarrhée, les veaux sont prostrés, la
plupart montrent un ptyalisme intense, un épiphora séreux, et pour certains des
extrémités froides, une légère distension de l’abdomen et un pelage terne.
L’épisode diarrhéique apparaît de façon typique après le rejet du méconium et 2
à 3 heures après les premiers signes. La diarrhée est profuse avec émission de
fèces aqueux et jaunes. 5 heures environ après le début de la diarrhée, la
quantité de mucus s’accroît dans les fèces. Lors de cette période de diarrhée,
les veaux sont extrêmement abattus, étendus sur le sol, la tête en extension
dans le prolongement du corps, agités de frissons ; La température rectale
des animaux en incubation ou en période d’état varie entre 38.3°C et 39.7°C. La
récupération dépend du degré de déshydratation et des surinfections
bactériennes, elle va en général de 1 à 3 jours sans traitement.
On a noté un amaigrissement et une sensibilité aux infections pulmonaires chez les veaux guéris, une déshydratation poussée ou une surinfection bactérienne qui provoque des septicémies aboutissant inévitablement à la mort.
LESIONS
L’infection
virale détermine une destruction des entérocytes différenciés au niveau du
jéjunum et de l’iléon essentiellement, les mitochondries s’enflent et
renferment des inclusions ou des vacuoles. On peut observer des pétéchies au
niveau du thymus.
DIAGNOSTIC
Les
éléments épidémiologiques et cliniques ne permettent de poser qu’un diagnostic
de suspicion. En effet, le diagnostic est presque exclusivement expérimental.
1) Diagnostic de
suspicion :
Certaines
données sont en faveur d’une étiologie virale : entérite d’évolution
rapide, contagieuse, touchant les veaux à l’âge d’allaitement généralement vers
le 7ème jour et qui guérissent habituellement en 2 à 3 jours sans
traitement.
Des
fèces aqueux, jaunâtre et des lésions microscopiques absentes ou se traduisent
par l’apparition des pétéchies sur la muqueuse de l’intestin grêle.
2) Diagnostic
expérimental :
Repose
sur la mise en évidence de l’agent pathogène et aussi l’utilisation du
diagnostic sérologique dont l’interprétation est rendue difficile par la
fréquence des infections inapparentes.
a/ Diagnostic
virologique : La microscopie
électronique a été pendant longtemps d’un énorme secours en matière de
diagnostic des infections à rotavirus. L’isolement de ce dernier et son
identification ont été faits sans difficultés. Ceci est dû à ca taille et à sa
morphologie qui le rendent identifiable en coloration négative. Les antigènes
viraux sont mis en évidence par différentes méthodes immuno-enzymatique :
immuno-microscopie électronique, immuno-enzymologie, immunofluorescence.
b/ Diagnostic
sérologique : L’infection
peut être décelée par la recherche des anticorps dans le sérum du malade ou de
convalescent. Pour le faire, plusieurs techniques sont utilisées :
séro-neutralisation, précipitation, fixation du complément et
l’immunofluorescence.
PRONOSTIC
Très
favorable du fait que la maladie est réversible sans traitement. Les
surinfections bactériennes rendent le pronostic sombre. L’état sanitaire de la
mère er du veau et de l’environnement sont à considérer pour le pronostic,
puisque l’hygiène, surtout alimentaire va influer sur la flore digestive et le
taux de protéines sériques.
B/
Diarrhée du veau à coronavirus (Coronavirose)
GENERALITES
Au
cours de leurs travaux, Mebus et ses collaborateurs (1977) ont constaté
l’apparition de diarrhée chez les veaux vaccinés dans les 24 heures après la
naissance contre la rotavirose.
Ce
sont les sujets âgés entre 5 et 20 jours qui ont présenté ce syndrome
diarrhéique caractérisé par une diarrhée persistante que la diarrhée
“rotavirale” et prend après 24 heures un aspect de lait caillé et évolue le
plus souvent vers la mort.
La
maladie est attribuée à un agent autre que le rotavirus.
Lors
de la mise en évidence, le coronavirus du veau a été classé dans la famille des
Coronaviridae qui ne compte qu’un seul genre, regroupe une
dizaine de virus dont trois seulement sont associés gastro-entériques.
AGENT PATHOGENE
Les
coronavirus sont des particules grossièrement sphériques, leur taille varie de
107 à 160 nm avec un diamètre voisin de 126 nm. Ce sont des virus à ARN
monocaténaire protédé par une protéine (N) de masse moléculaire de 50.000
daltons.
Les
coronavirus entérique bovin possèdent une activité agglutinante vis-à-vis des
globules rouges de rats, de souris et de hamsters. Cette propriété n’est pas
mise en évidence vis-à-vis des globules rouges du chat, du chien, de la chèvre,
du cheval, du bovin et de l’homme.
EPIDEMIOLOGIE (Pouvoir pathogène)
Les
coronavirus sont responsables de nombreuses diarrhées graves, voire mortelles
chez les veaux de 0 à 3 semaines. Chez l’adulte comme chez le jeune on peut
observer aussi des formes inapparentes. La morbidité est de l’ordre de 100%
alors que la mortalité peut aller jusqu’60 – 75%.
Le
coronavirus s’attaque aux entérocytes de l’intestin grêle et du côlon et
provoque un effet cytopathogène plus marqué que dans le cas d’une infection à
rotavirus. Il infecte non seulement les cellules différenciées mais aussi les
cellules indifférenciées qui sont complètement lysées.
Les
villosités s’atrophient, la lamina propria est le siège d’une accumulation
importante de cellules réticulaires. Les ganglions mésentériques sont également
atteints.
Plusieurs
facteurs sont capables de moduler l’expression du pouvoir pathogène aussi bien
de coronavirus que le rotavirus, parmi lesquels on note le rôle de facteurs
spécifiques (état immunitaire des mères, intensité et durée de la réponse
immunitaire des veaux), des facteurs non spécifiques (variation brusque de
température, degré d’humidité) et le stress.
La
contamination se fait par ingestion de fèces de veaux malades ou d’aliments
souillés, la transmission est essentiellement orale.
PATHOGENIE
La
multiplication abondante du coronavirus s’accompagne de lésions encore plus
graves, étendues non seulement à l’intestin grêle, mais aussi au côlon et au
rectum.
La
destruction des entérocytes est plus massive qu’avec le rotavirus. La
convalescence sera donc plus lente.
Les
particules virales issues de la multiplication sont situées dans le cytoplasme
de la cellule et associées à la membrane du réticulum endoplasmique et à
l’appareil de Golgi, leur libération se fait par lyse de la membrane plasmique
et également par fusion des vacuoles cytoplasmiques contenant le virus, avec la
membrane plasmique.
On
assiste alors à la formation de syncitia et à la desquamation des cellules
infectées. Tout ceci entraine des modifications profondes dans le
fonctionnement de l’épithélium intestinal. Donc la réduction de la capacité
d’absorption de l’intestin provoque l’augmentation de la pression osmotique
dans la lumière intestinale ainsi que la modification de la motricité,
entrainant un syndrome diarrhéique avec entérite persistante, déshydratation
intense et enfin la mort.
SYMPTOMES
Après
19 à 24 heures d’incubation au cours de laquelle il y a une perte progressive
de l’appétit, une diarrhée aqueuse s’installe avec une légère hyperthermie.
L’animal apparait de plus en plus abattu et soufre d’une douleur abdominale. La
diarrhée persiste 5 à 7 jours, elle prend ensuite un aspect de lait caillé et
contient du mucus qui devient sanguinolent dans 90% des cas en fin d’évolution. La déshydratation est rapide
et le veau succombe en 7 à 8 jours.
LESIONS
Il
n’y a pas de lésions macroscopiques caractéristiques. On observe seulement des
lésions d’entérite catarrhale aigue. A l’histologie, les lésions sont plus
graves que celles induites par le rotavirus. Il y a atrophie et fusion des
villosités qui sont complètement recouvertes de cellules immatures puis
destruction complète de l’épithélium. Les crêtes du côlon sont atrophiées et
les cryptes sont espacées et dilatées.
DIAGNOSTIC
Comme
dans le cas de la diarrhée occasionnée par rotavirus, le diagnostic d’une
coronavirose basé sur les données épidémiologiques et cliniques n’est qu’un
diagnostic de suspicion. Le recours au laboratoire est une nécessité absolue.
En
ce qui concerne le test d’immunofluorescence sur frottis, il n’est pas
applicable pour ce virus qui induit une lyse complète des cellules épithéliales
infectées.
Afin
qu’il soit fiable, ce test est pratiqué directement sur des coupes d’intestin
et donc n’est réalisable qu’après le mort ou l’abattage des animaux infectés.
Le
diagnostic sérologique par séro-neutralisation en culture cellulaire peut être
utilisé. Il ne renseigne que sur une éventuelle infection antérieure et ne sert
d’aucune utilité en cas de maladie déclaré.
PRONOSTIC
Le
coronavirus semble entrainer une maladie sévère, même en l’absence d’autres
(germes) agent entéropathogène. Le pronostic est donc plus sérieux que lors de
rotavirose, il devient de plus en plus grave en cas d’infection mixtes
rotavirus/coronavirus/E.coli.
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