par : Pr. B.MAMACHE
LA FIÈVRE CATARRHALE DU MOUTON
(BLUETONGUE)
DÉFINITION
Maladie
contagieuse, virulente, inoculable, spéciale aux ruminants et particulièrement
grave chez les ovins ; due à un virus remarquable par sa grande pluralité
antigénique et par une transmission faisant intervenir des Arthropodes, à
l’heure actuelle classé parmi les Réoviridae, genre Orbivirus.
Elle
est caractérisée cliniquement par une atteinte fébrile suivie rapidement d’une
inflammation catarrhale des muqueuses (surtout buccale) accompagnée fréquemment
de lésions congestives des extrémités podales et d’une émaciation progressive
(myosite).
ESPÈCES AFFECTÉES
*
Dans les conditions naturelles :
- frappe avant tout
les ovins chez lesquels la maladie est particulièrement grave ;
- se retrouve aussi
chez les bovins et les caprins mais surtout lors d’introduction de la maladie
en pays neuf. Dans les pays d’enzootie l’infection demeure inapparente. La même
observation est faite chez les mouflons, les cervidés, les antilopes et les
camélidés.
*
Dans les conditions expérimentales :
- facilement
reproduite chez les ruminants ;
- les solipèdes, les
carnivores, le lapin et le cobaye sont réfractaires. Il en est de même de
l’homme.
L’infection
peut être transmise à la souris par injection intracérébrale, ce qui provoque
une paralysie mortelle.
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE
La
F.C. est restée cantonnée à la partie sud du continent Africain pendant de
nombreuses années. A partir des années 40, elle à débordé l’Afrique Centrale
pour atteindre le bassin méditerranéen et l’Asie.
ÉTIOLOGIE
(Caractéristiques du
virus très voisines de celles du virus de la P.E.).
PATHOGÉNIE
A
partir de son point d’implantation, le virus gagne de ganglion drainant le
point de pénétration sans doute par l’intermédiaire des macrophages ou des
lymphocytes. Par voie sanguine et/ou lymphatique, le virus gagne les tissus lymphoïdes
(en particulier la rate) où sa multiplication se poursuit.
Cette
phase, silencieuse au plan clinique correspond à la période d’incubation. Elle
se termine par une décharge plus ou moins importante du virus dans la
circulation sanguine.
La
virémie est manifestée (dans les 24 heures qui suivent) par une atteinte
fébrile de l’état général (phase d’invasion). Ensuite le virus exprime
rapidement son affinité pour les endothéliums (notamment vasculaires) et les
muqueuses (en particulier nasale et buccale) avec localisations caractéristiques
de la maladie (phase d’état) pouvant entraîner la mort.
Les
avortements, les mortalités et les malformations sont de règle chez les éspèses
réceptives.
SYMPTÔMES
1/- Ovins
a) Forme aigue
(classique) : Elle évolue en 3
phases :
* Phase d’invasion : manifestation fébrile (hyperthermie intense ou
modérée avec abattement et essoufflement chez certains sujets).
* Phase d’état : survient 24 à 48 heures après le premier accès
thermique, et se traduit par des signes locaux en rapport avec des localisations
caractéristiques intéressant les muqueuses puis les extrémités podales et les
muscles.
v
Muqueuses buccale et nasale : Elle débute par : une simple congestion accompagnée d’une
salivation écumeuse puis tuméfaction de la langue, les lèvres, ensuite
épaississement des muqueuses buccale et nasale avec des pétéchies.
A ce stade la langue augmentée de volume devient plus
foncée, cyanotique parfois pend une couleur bleue pourpre (l’origine de la
dénomination –Blue Tongue-).
Cette stomatite cyanotique se transforme en stomatite
ulcéreuse, les phénomènes nécrotiques engendrent la formation d’érosions,
d’excoriations, d’ulcérations fréquemment envahies par des germes d’infection
secondaire. La douleur buccale empêche l’animal de s’alimenter. La soif est vive
et en cours de l’abreuvement l’œdème du fond de la bouche provoque des
régurgitations et des fausses déglutitions entraînant des accès de toux.
v
Extrémités podales et muscles :
Vers le 16ème jour lorsque l’hyperthermie commence à diminuer
apparaissent :
- la localisation podale : annoncée par une boiterie (surtout des postérieurs). Elle s’exprime par une violente inflammation de la couronne (bourrelet rougeâtre). Les onglons sont chauds et douloureux, siège d’une pododermite qui se traduit par une rougeur diffuse sous-périoplique. Parfois on observe des exongulations faisant suite à une complication suppurée.
- la localisation musculaire : se traduit
par une myosite dégénérative provoquant une émaciation musculaire, une raideur
des membres qui aggrave les mouvements locomoteurs. L’animal répugne à tout
déplacement ou se déplace dos voussé, membres raidis parfois se traîne sur les
genoux. Les torticolis sont fréquemment observés.
* Phase terminale : L’évolution peut se faire vers l’aggravation des manifestations
locales et de l’atteinte de l’état général : l’animal ne peut plus se
déplacer, s’alimenter, il présente un aspect misérable et traîne ainsi pendant
quelques jours durant lesquels on peut voir survenir : un œdème de la
tête, une gastro-entérite hémorragique, et des broncho-pneumonies. La mort
survient le 10ème au 12ème jours.
2/- Bovins
Classiquement, on ne décrit chez les bovins que des
formes inapparentes mais il existe des cas cliniques authentiques de F.C. chez
les bovins en relation ou non avec une épizootie chez les ovins voire en
absence d’ovins (est des U.S.A).
Les symptômes sont tout à fait superposables à ceux
observés chez le mouton : congestion buccale et podale évoluant vers la
nécrose, accompagnée d’une forte altération de l’état général. On peut
constater des lésions affectant la mamelle ainsi que des avortements et des
malformations des veaux. La guérison est lente.
3/- Caprins
Après un accès fébrile, les caprins ont une virémie,
bien plus faible que celle du mouton, mais plus longue. L’expression clinique
passe pratiquement inaperçue.
LÉSIONS
a)
Macroscopiques
Suivent étroitement
les manifestations cliniques :
* Tube digestif : elles intéressent surtout la bouche mais se
retrouvent sur la totalité du tube digestif (muqueuse buccale, muqueuse
œsophagienne, réservoirs gastriques, intestins).
Elles
consistent en des lésions congestives, œdémateuses, hémorragiques et
ulcératives (fausses membranes) d’intensité variable selon l’ancienneté du mal.
Elles s’accompagnent parfois d’une gangrène de la langue.
* Voies
respiratoires: des hémorragies
siégeant à la base de l’artère pulmonaire seraient pathognomoniques. Des foyers
de broncho-pneumonies se rencontrent avec signes de fausses déglutitions.
* Extrémités
podales : la fonte de l’onglon
permet de noter une congestion plus ou moins intense des lames de podophylle.
* Muscles : le tissu conjonctif intermusculaire est
infiltré d’un liquide d’œdème rosé gélatineux. A un stade plus avancé, la
dégénérescence des fibres musculaires donne à la coupe un aspect marbré de gris
ou de jaune (myosite dégénérative). Des lésions identiques sont décelées dans
le myocarde.
b)
Microscopiques
* Les cellules
épithéliales présentent une dégénérescence suivie d’une infiltration de
neutrophiles et de nécrose aboutissant à l’ulcération.
Les
fibres musculaires coagulées se déchirent et entraînent la rupture des
capillaires (hémorragie) ; image très caractéristique pour les
histologistes.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Les
taux de morbidité et de mortalité sont très variables (10 à 90%) selon les
races et les souches virales.
L’incidence
subit des ponctuations saisonnières avec
développement en saison chaude et humide et diminution (ou disparition) en
saison froide et sèche.
La
F.C. sévit surtout dans les régions baisses et humides, marécageuses, le long
des fleuves et des rivières.
Le
virus se retrouve dans le sang : virulence précoce dans les heures qui
précédent l’hyperthermie et maximale aux 2ème - 3ème
jours puis elle s’affaiblit et tend à disparaître avec la phase fébrile. Le
virus de la F.C. résiste à la putréfaction, à la lumière, à la dessiccation
mais détruit par la chaleur (30 minutes à 60°C) et l’acidité.
Les
ovins présentent des évolutions graves de la maladie. Les bovins font des
infections frustes et le plus souvent inapparentes. Les caprins sont bien
souvent réfractaires tout ou moins aux régions depuis longtemps infectées.
Les
races européennes (en particulier la Mérinos) sont plus sensibles que les races
Africaines ou asiatiques.
Les
jeunes moutons de moins de 1 an font des formes particulièrement sévères.
Les
carences nutritionnelles, le parasitisme, les fatigues de longues
transhumances, l’insolation sont autant de facteurs favorisant une évolution
sévère.
Les
maladies de transmission présentent de très grandes analogies avec celle de la
P.E. et imposent à l’épidémiologie ses aspects particuliers et en tous points
comparables.
DIAGNOSTIC
Chez le
mouton : Il est facile dans les pays habituellement infectés, mais demeure
hésitant dans les régions jusque là indemnes.
D’allure
contagieuse, apparaissant surtout chez les ovins en saison chaude et humide,
avec atteinte fébrile grave associée à une stomatite cyanotique devenant
ulcéreuse, et boiterie contemporaine d’une atteinte congestive de la couronne
et des lésions de pododermatite avec difficulté de locomotion, émaciation et
altitudes anormales sont des éléments de suspicion.
TRAITEMENT : (Aucun traitement efficace).
PROPHYLAXIE
1) Prophylaxie
médicale
* Vaccins à virus
inactivés par voie sous cutanée :
2 injections à 4 semaines d’intervalles. Immunité supérieur à 6 mois.
Inoffensifs – simple réaction thermique.
* Vaccins à virus
modifiés :
- souches neurotropes (cerveau de souris).
- souches viscérotropes (isolées récemment
d’équidé infecté, passage en série sur culture cellulaire après inoculation
préalable cerveau de souris).
Selon
la nécessité locale (activité d’un ou de plusieurs types antigéniques) le
produit de la culture (vaccin monovalent) sont soumis après titrage à la
lyophilisation.
Ils
s’utilisent immédiatement après réhydratation. Une seule injection par voie
sous cutanée. L’immunité apparaît vers le 15ème jour, est solide,
dure en moyenne 1 an (rappel annuel).
Les
vaccins ne sont pas totalement inoffensifs ; quelques réactions vaccinales
fâcheuses peuvent être enregistrées surtout avec les souches neurotropes
(élévation de la température, évolution d’une forme bénigne rapidement
curable). Apparition d’accidents nerveux 1 à 2 semaines après vaccination,
avortement des ovins vaccinés aux dernières semaines de gestation, sortie
d’infections latentes.
2) Prophylaxie
sanitaire
* Mesures
défensives
Dans
les pays éloignés de toute source de contamination, interdire l’importation
d’ovins domestiques ou sauvages en prévenance de pays infectés ou ayant été
infectés.
* Mesures
renforcés
Lorsque
la maladie sévit dans les régions voisines, il faudra, en outre, dans une zone
suffisamment large bordant la frontière :
- dépister toute introduction
frauduleuse d’ovins grâce au recensement et à l’identification des sujets
autochtones ;
- Conseiller la
pratique de désinfectisations fréquentes ;
- réglementer la
circulation des ovins à l’intérieur et à l’extérieur de cette zone.
* Mesures offensives
En zone d’infection
permanente, dans l’impossibilité d’agir sur la source on interviendra sur le
maillon intermédiaire de transmission :
o
Eviter tout contact Arthropodes – ovins :
- déplacement en
altitude à l’approche de la saison des pluies ;
- rentrer les ovins
à l’écurie avant la nuit et le sortir que plusieurs heures après l’aube ;
- protéger les
ouvertures avec les moustiquaires ;
- pulvérisation
d’insecticides ou de produits répulsifs sur le pelage.
o
Destruction des insectes :
- utilisation d’insecticides rémanents dans les
locaux ;
- drainage et assèchement des marécages.
- drainage et assèchement des marécages.
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