par : Pr. B.MAMACHE
LE ROUGET
DÉFINITION
Le
rouget est une maladie infectieuse, virulente, inoculable (parfois
difficilement) plutôt pseudo-enzootique que réellement contagieuse. Elle est
commune à de nombreuses espèces animales, de mammifères et d’oiseaux,
domestiques et sauvages et décrit chez le porc avec une fréquence et une
gravité particulières selon les pays. Zoonose mineure, surtout professionnelle,
elle se transmet à l’homme par inoculation.
Elle
est due à une bactérie très ubiquiste : Erysipelothrix rhusiopathiae
(insidiosa).
Elle
se caractérise soit par des formes aigues souvent septicémiques avec lésions
érythémateuses chez le porc et chez l’homme (erysipeloide) soit par des formes
subaigües et chroniques, essentiellement articulaires et endocardiques.
Le
rouget est une maladie légalement réputée contagieuse (M.L.R.C) dans l’espèce
porcine uniquement.
SYNONYMIE
-
« Erysipele », « Maladie du rouge », « Maladie du
pourpre ».
-
Chez l’homme, il importe de distinguer le rouget ou « erysipeloide »
d’une maladie cliniquement voisine : l’erysipèle streptococcique.
Enfin,
certaines manifestations cutanées du rouget ont autorisé l’utilisation de
synonymes régionaux : « urticaire infectieux », « carreaux »,
(diamond disease en anglais).
ESPÈCES AFFECTÉES
A
l’ubiquité géographique du bacille du rouget correspond une ubiquité
zoologique, de très nombreuses espèces regroupées dans divers embranchements
(mammifères dont l’homme, oiseaux, poissons et même invertébrés, crustacés,
mollusques) pouvant être infectées selon une hiérarchie propre à certains pays.
La
présence du rouget a été vérifié dans le monde entier : c’est la maladie d’ubiquité
la plus large et la plus permanente avec cependant des nuances géographiques,
car des prééminences se manifestent selon l’incidence de la maladie sur les
diverses espèces réceptives, en Europe (porcs surtout mais aussi ovins et
oiseaux), Australie (ovins), Amérique du nord (oiseaux), Japon (rouget humain
d’origine pisciaire).
ETHIOLOGIE
- Erysipelothrix rhusiopathiae classée parmi les Actinobactériales.
-
Bacille fin, élancé, droit ou légèrement curviligne de 1 à 2 µ /0.3µ,
immobile, non cilié, non capsulé, non sporulé, Gram+.
PATHOGÉNIE
Un
animal neuf et contaminé par voie dermique ou muqueuse, à la faveur d’un
traumatisme même minime, rappelant en cela le charbon bactéridien. Différentes
évolutions sont possibles :
* Dans
la forme septicémique, le bacille est disséminé dans l’organisme par
voie sanguine et lymphatique. La seule endotoxine suffit à produire les
manifestations de choc, d’hyperthermie et d’inflammation. Si l’évolution n’a
pas été d’emblé mortelle. L’infection peut se localiser au territoire cutané.
* La forme localisée cutanée est l’expression du dermotropisme de la bactérie,
responsable de phénomènes inflammatoires locaux.
* Dans
les formes chroniques, le bacille disparaît rapidement, le plus
souvent. Seule persiste une fraction antigénique qui suffit à entretenir
l’inflammation locale : les arthrites à rouget ne seraient donc pas de
nature auto-immune.
SYMPTÔMES
En
général, l’incubation (de 3 à 5 jours en conditions expérimentales) est
impossible à déterminer comme dans toutes les maladies à portage de germes
initial, et les manifestations cliniques sont aigues ou chroniques chez les
diverses espèces réceptives.
1)
Mouton : le
rouget des ovins est essentiellement une arthrite d’allure enzootique de
l’agneau, avec boiterie, amaigrissement et cachexie, parfois associée avec un rouget
cutané. Les formes septicémiques sont exceptionnelles, de même que les formes
intestinales (entérite hémorragique).
2)
Oiseaux :
accompagné de symptômes septicémiques (inappétence, plumes hérissées, mort en 1
à 2 jours), le rouget aviaire pseudo-enzootique (élevages concentrés de dindon,
pintade, canard, perdrix, faisan, parfois poule) ou sporadique (gibier) est une
découverte de laboratoire, aucun critère spécifique ne peut être relevé.
Parfois des plaques cutanées sont apparentes.
3)
Autres espèces :
* Carnivores : le rouget du chien (endocardite, septicémie) est rarissime.
* Equidés :
des arthrites (tarsienne, tibio-rotulienne) et des endocardites (souffle
cardiaque) sont observables à tout âge chez le cheval.
* Chez
les bovins : sont enregistrées parfois des arthrites,
endocardites, septicémies avec saisie à l’abattoir.
LÉSIONS
Macroscopiques
Les
formes septicémiques dans un cadavre en bon état d’embonpoint entraînent des
lésions sur :
La
peau : plages
congestives qui à l’incision laissent sourdre un œdème rosé, sans hémorragie.
Les
séreuses splanchniques : exsudat modéré citrin ou rosé.
Les
ganglions :
congestionnés, très hypertrophiés, non hémorragiques.
Le
cœur et les poumons :
congestionnés avec pétéchies, le sang restant rutilant et bien coagulé.
La
rate :
réactionnelle et turgescente, mais peu volumineuse et ferme à la coupe.
Au
total, l’autopsie montre une congestion généralisée peu hémorragique.
Les
formes chroniques font apparaître un cadavre maigre et cachectique, un foie et
des reins mous, pâles, friables, dégénérés et les lésions essentielles
sur :
* Les séreuses articulaires, emplies d’exsudats louches, rosé, avec des synoviales
végétantes et villeuses, des cartilages érodés, parfois sont constatées des
discospondylites vertébrales ;
* L’endocarde, siège d’une endocardite végétante et bourgeonnantes sur les valvules
mitrales et sigmoïdes surtout, formant de volumineux chaux-fleurs constitués, à
la section, d’un tissu blanc rosé ecchymotique.
Microscopiques
Les
lésions aigues surtout cutanées constituent un véritable feutrage de bacilles,
souvent en amas à l’intérieur des phagocytes.
Les
lésions chroniques, formées de fibroblastes abondants sont cicatricielles.
L’hématologie révèle une granulocytopénie due à l’effort de phagocytose et à la
lyse de nombreuses cellules.
DIAGNOSTIC
En
dehors de tout dépistage systématique, le diagnostic du rouget est aisé :
La
suspicion du rouget chez les espèces, autres que le porc ne peut être retenue
que devant des arthrites enzootiques de l’agneau, et des lésions
cutanées érythémateuses chez toutes les espèces de mammifères et d’oiseaux. Sinon,
le diagnostic ressort d’une trouvaille de laboratoire.
Diagnostic
différentiel
* chez le mouton, voire la chèvre, les arthrites à Mycoplasmoses (M.mycoїdes, M.capricolum),
en extension, sont à placer dans le cadre du syndrome agalactie (kératite,
arthrite, mammite).
* Chez les oiseaux, toutes les maladies septicémiques (maladie de Newcastle, de
Gumboro, choléra, salmonellose aigue) sont à évoquer sans possibilité de distinction.
TRAITEMENT
Rouget aigue :
Destiné
à diminuer les pertes, à éviter l’apparition de formes chroniques et à
s’opposer à la surpollution de l’environnement, le traitement entraine des
résultats spectaculaires, qualifiés de véritables résurrections. Il obéit à 3
règles :
-
Instauration très précoce, la septicémie évoluant très vite ;
-
Association systématique, synergique du sérum spécifique (20 à 100ml selon le
poids) et d’un antibiotique (pénicilline 1000 000 U ou streptomycine1g, moins
favorable) ;
-
Voie d’administration double intramusculaire (d’efficacité rapide mais brève)
au début et sous-cutanée (prolongement des effets) pendant 3 à 5 jours au
moins.
Rouget chronique :
Pronostic
sombre. La sérothérapie est inutile, le sang des malades présentant un titre
élevé en anticorps.
Les
antibiotiques sont inactifs sur les bacilles présents dans les lésions
cicatricielles profondes.
Aussi
doit-on avec succès dans les arthrites de l’agneau utiliser
l’allergo-antibiothérapie par :
-
Vaccination (vaccinothérapie à réaction focale, défocalisant les bacilles).
-
Antibiothérapie des germes désormais sensibles à son action.
PROPHYLAXIE
A/ Prophylaxie
médicale :
réservée au porc.
B/ Prophylaxie
sanitaire : La
prophylaxie du rouget est un appoint indispensable mais demeure limitée dans
son efficacité. Elle vise la lutte :
-
Contre la pollution de l’environnement.
-
Contre l’infection des locaux et du matériel de l’exploitation par une
désinfection puissante (Javel, formol, soude) associée à une désinsectisation
et une dératisation.
-
Les facteurs de déclenchement du rouget par l’hygiène de l’alimentation et des
transports.
-
Contre la transmission à l’homme.
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